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2025

Plus d’un Belge sur deux aspire au repli : qui sont-ils et pourquoi ?

Les résultats de la dernière enquête Noir, Jaune, Blues, vague 5, révèlent une tendance inquiétante : 56,6 % des Belges adhèrent à une vision du monde marquée par le repli sur soi. Derrière ce chiffre, c’est tout un imaginaire social qui se dessine, nourri par la défiance, l’insécurité et la recherche de solutions autoritaires à une réalité perçue comme chaotique.

Ces citoyens partagent une même aspiration : le besoin d’un leader fort capable de « remettre de l’ordre », une société plus homogène où les repères semblent plus clairs, et une explication simple aux problèmes du monde à travers la désignation de boucs émissaires. Cette vision s’appuie également sur une nostalgie d’un passé idéalisé, présenté comme un âge d’or où les choses étaient censées être plus justes, et sur une rhétorique politique plus brutale, qui privilégie la dénonciation, la colère et l’émotion brute au détriment du débat rationnel.

Un sentiment de déclassement et d’abandon

L’analyse des profils les plus enclins à cette aspiration montre qu’ils partagent plusieurs caractéristiques communes. Le premier facteur clé est la peur du déclassement social. Ces individus perçoivent leur situation comme précaire, avec le sentiment que tout peut basculer à tout moment. Cette angoisse est renforcée par une perte de contrôle sur leur propre vie, face à un monde en perpétuelle mutation qu’ils ne comprennent plus et sur lequel ils estiment ne plus avoir de prise.

Ce sentiment de dépossession s’accompagne d’une forte défiance envers les élites politiques et économiques. Ils estiment ne pas être entendus, ne pas être représentés, et considèrent que les décisions politiques sont prises par des acteurs déconnectés de la réalité quotidienne. Cette impression alimente un scepticisme profond vis-à-vis des institutions, et plus largement, une crise de confiance dans la démocratie représentative.

S’ajoute à cela un besoin de distinction sociale : ne pas être assimilé aux catégories les plus précaires, qui sont souvent désignées comme les « profiteurs » du système. Cette dynamique repose aussi sur un capital culturel plus faible, qui limite l’accès à des grilles de lecture complexes et critiques du monde. Enfin, l’isolement social joue un rôle clé : privé de structures collectives et de solidarités traditionnelles (syndicats, associations, lieux de socialisation), l’individu se retrouve seul face à son anxiété et cherche des réponses immédiates.

Un terreau fertile pour les discours populistes

Dans ce contexte, les leaders populistes captent ces frustrations en leur offrant un récit simple et percutant. Ils identifient des responsables – migrants, assistés, élites, médias –, promettent de « rendre le pouvoir au peuple », et construisent un discours fondé sur l’émotion et la dénonciation plutôt que sur l’analyse et la nuance. Leur rhétorique fonctionne d’autant mieux qu’elle joue sur une mécanique cognitive bien connue : quand le monde devient incompréhensible, les récits qui simplifient la réalité rassurent.

Face à cette montée du repli, une question demeure : comment reconstruire un récit alternatif qui puisse répondre à ces angoisses sans tomber dans les mêmes travers ?

Nous publierons le 24 mars une analyse approfondie sur ce sujet : « Pourquoi les narratifs de gauche ne touchent plus les classes populaires ? ». Un décryptage essentiel pour comprendre comment reconnecter avec ces publics et proposer un horizon mobilisateur face à la tentation du repli.